Se repérer en Bretagne : mais que signifient ces noms de lieux bizarres ?

La toponymie bretonne peut de prime abord sembler étrange aux yeux des quelques visiteurs de passage. Comment se fait-il, en effet, que la plupart des villages, bourgs et villes ont leur noms commençant par Plou (Plougasnou, Plouezoch, Plougastel …) Lan (Lanmeur, Landivisiau, Landerneau …) Gui/Gwi (Guimaëc, Guiseni, Guimillau …) ou Loc (Loc-Eguiner, Locmaria, Plounevez-Lochrist …) voir Tre (Tredrez, Tregastel …) ou Bod (Botmeur, Bodilis …) ? Pourquoi y a-t-il tant de nom de lieux ou figure le mot ker ? Ces noms ont leur signification qui, généralement, explique l’origine du mot et de la commune ou du nom de lieux. Essayons d’y voir plus clair…

 

 

Plou/Plo : la paroisse

Le préfixe le plus courant dans les noms de communes en Bretagne et de la Baie de Morlaix est évidemment Plou ou Plo, ce petit mot désigne un secteur bien déterminé, la paroisse. Si vous allez par exemple à Ploumagoar, vous vous rendez dans la « paroisse de Magoar », (magoar signifiant « muraille, ruine » et de la même famille que moger signifiant « mur » en breton) ; de même Plougastel signifie la « paroisse du château », enfin Plounevez signifie « la nouvelle paroisse ». Souvent ce préfixe est associé au nom d’un saint souvent considéré comme le fondateur de la commune, tel que Ploujean (Plouyann en breton) du nom de Saint Jean, ou Plougonven, Plouégat…. Certain de ces personnages sont des saints celtes très anciens qui doivent probablement remonter au début de la christianisation, tel que Plou + Diry, Plou + Neventer, Plou + Neour. Ces préfixes se retrouvent sur l’ensemble de la Basse-Bretagne avec quelques variations. Ainsi au Nord-Ouest de la Basse-Bretagne on va retrouver des préfixes en Plou, alors qu’au Sud-Est, et plus généralement au Sud, les préfixes seront plutôt en Plo (Plogonnec, Plonéis, Ploërdut ou Plozevet). Un cas spécifique existe aussi : celui du Pays Goëlo (vers Paimpol) ou le préfixe n’est ni en Plou, ni en Plo, mais en Ple tel que Plélo, Pléhedel, Plérin.

Gwi/Gui : le bourg

Un cas assez proche est celui du Gwi ou Gwic présent dans Guimaëc, Guimillau, ou Guiclan et qui signifie tout simplement bourg. Ainsi Guimillau qui se dit Gwimilio en breton signifie le « bourg de Millo »ou Guiclan signifie « Le bourg de Lan ».

Loc : lieu saint ou ermitage

Un autre préfixe très courant est Loc, presque tout le temps associé à un nom de saint, comme dans Locmaria ou Lochrist. Il désigne en fait un lieu saint ou un ermitage. Ainsi Locmélar désigne « l’ermitage de Saint-Mélar » un saint bien connu dans le pays de Morlaix, à Lanmeur notamment où une crypte lui est dédié. Autre exemple local, Locquirec, ou « ermitage de Saint-Guirec », prénom et saint bien connu en Bretagne. Il faut aussi noter que certaines communes possèdent un nom français différent du nom d’origine : ainsi Saint-Renan, non loin de Brest, se nomme en breton Lokournan. Le préfixe suivant est le préfixe Lan(n) qui à la même signification que Loc : ermitage, lieux sacré. Ce qui les différencie c’est chronologie « Loc » ayant supplanté « Lan » en certains lieux à partir du XIeme siècle. Ainsi des communes comme Landivisiau signifie « l’ermitage de saint Thivisiau », de même Lanildut ou Lanédern signifie respectivement « ermitage de saint-Ildut » et « ermitage de saint-Edern ».

Bod : la demeure, résidence

On croise aussi très souvent le préfixe Bod, tel que Botmeur, Bodilis, Botsorhel, et qui, lui, désigne une demeure, une résidence. Ainsi Botmeur signifie « la grande demeure/résidence » (« meur » désigne « grand, d’imposant » et parfois de « majestueux »), Bodilis signifierait la « demeure de l’église », enfin Botsorhel signifie la demeure d’un certain Sorhel. Dans le même ordre d’idée il y a aussi le préfixe Les que l’on trouve notamment dans Lesneven ou Lesconil. Ce préfixe désigne la cour, la demeure d’un seigneur : Lesneven désigne donc la cour d’un seigneur du nom de Neven, de même pour Lesconil qui désigne probablement la cour d’un certain Konil.

Tré : la trêve

L’un des derniers préfixe à mette en évidence est Tre. Au départ il désignait, tout simplement, un lieu habité et cultivé puis son sens à évolué pour désigner une trêve c’est à dire une église succursale. Il s’agit d’un des noms de paroisses les plus portés avec Plou, Loc et Lan. On le trouve notamment dans des noms de communes comme Tréflez, Tréflaouénan, Trémaouezan, Trémel, Tréflévénez, Tréduder, Trédrez, Trégastel et autre. Tréflévénez, par exemple, signifierait la « trêve de Levenez » ou littéralement « La trêve de la joie ».

Ker : tout lieu habité

Enfin dernier nom de lieux à évoquer, et non des moindre : le nom Ker. A l’origine il désignait un endroit fortifié, une forteresse mais son sens à évolué pour désigner tout type de lieux habité ( ville, village, ferme, hameau, maison …). Cependant son emploi est peu fréquent au sein des noms de commune ou paroisse, on le retrouve bien plus souvent pour les lieu-dit, les hameaux et villages. Ainsi l’on retrouve régulièrement des noms comme Kernevez ce qui signifie « La/le ville/village/hameau nouvelle/eau » à l’inverse Kerkoz ou Cosquer signifie « vieille/vieux ville/village ». L’emploi du mot ker dépasse la simple toponymie, car outre son emploi dans les noms de lieux il est encore largement utilisé en breton : les bretonnant parle en effet de geriadenn quand ils évoque les villages, de ker pour la ville et pour parler de chez eux ils vont dire « er ger » ou « (e-)bar(zh) (ar) gêr ». Le mot ker est aussi une marque importante qui permet de distinguer le dialecte du du Pays Léonard des autres dialectes bretons on vas dire généralement « kéar » alors que dans le reste de Basse-Bretagne on diras simplement « kêr ».

L’histoire de la Bretagne à travers sa toponymie

Une fois intégré ces quelques rudiments, il est bien plus simple de se repérer en Bretagne et de comprendre le sens des noms des lieux. Bien sûr la religion à tenu un rôle prépondérant pour désigner les noms de communes, car, depuis la période gallo-romaine et avant la Révolution, c’est l’église qui quadrillait le territoire avec des paroisses, des trêves et des évêchés. C’est d’autant plus vrai en Bretagne, où l’influence de l’église était particulièrement importante, notamment dans le Leon surnommé par ses habitants Bro Leon santel, « Le saint Pays du Léon ». C’est pourquoi ces quelques explications rudimentaires devraient vous aider à vous repérer dans les villes et les campagnes bretonnes, où, bien souvent, les nouveaux arrivants se sentent un peu perdus devant cette toponymie inhabituelle pour eux.

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